Solitaire et taciturne,
ladolescent se croyait fou. «Jai été sauvé
par un psychiatre juif, qui est devenu mon ami. Il ma appris la dérision
sur moi-même et ma famille. » Après un bac philo passé
en candidat libre. Thierry Ehrmann entreprend des études de droit. Elles
feront de lui un féroce procédurier, qui entretient une escouade
davocats « je combats les groupes conservateurs à travers
le droit, qui est la pierre angulaire du contrat social. » Parallèlement,
il poursuit des études de théologie.
A la mort de son père, il na que dix-huit ans, doit reprendre lentreprise
familiale, mais la vend très vite et, dit-il, très bien
après avoir fait monter la valeur par une campagne dintox auprès
des concurrents : « cest là que jai compris limportance
de linformation. » Appliquerait-il toujours les mêmes méthodes
? Il prétend avoir laissé le produit de la succession à sa
mère, refusant dêtre un héritier. Aujourdhui,
il avoue une fortune personnelle « entre 700 et 900 millions de francs ».
Il na pas davion privé, mais un îlot rocheux à
Bora-Bora. Cest cette adresse qui figure sur ses chèques, «
parce quelle est belle ».
Il ne place pas son argent dans la pierre mais investit « sans limite dans
lart contemporain ». Les locaux de son siège social attestent
de goûts éclectiques : ici une statue animalière en verre,
là un tableau géant de du peintre Yang Pei Ming. Mais lessentiel
de sa collection est constitué de photos, quil compte montrer au
public à travers « LOrgane », un musée privé
dont il a le projet pour 2002. Cette structure, dun coût de 90 millions
de francs, sinstallera dans le 9è arrondissement de Lyon, où
il a aussi prévu de rassembler toutes les implantations du Groupe Serveur.
Cest le fief de Gérard Collomb, le nouveau maire de Lyon, à
qui il a apporté son soutien entre les deux tours, bien quil refuse
tout engagement politique. Son besoin de reconnaissance est ailleurs. «
il a une revanche à prendre vis-à-vis de son père »
estime Louis Thannberger. A la tête de son mini-empire, Thierry Ehrmann
dit-il autre chose quand il évoque les « success stories »
qui le fascinent ? « Cest souvent la projection dun homme avec
ses névroses, voire ses psychoses. Ce quil crée nest
que lexpression de ses souffrances. »
Jean-Jacques Bozonnet
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